Charlemagne Palestine -
Schlingen-Blängen à Fourvière

Charlemagne Palestine est un compositeur et performer américain né à New York en 1947. Souvent rattaché au courant minimaliste du fait de son rôle de premier plan dans l’avant-garde californienne et new-yorkaise des années 1965-1975, il prend sans ambiguïté ses distances avec le terme :

« À la fin des années 70, il y a eu le minimalisme commercial de Reich et Glass. Et puis il y a eu plein de compositeurs New-Age qui ont dilué tout ça dans une musique pour piano à la Richard Claydermann en n’ayant plus rien à foutre de la spiritualité. Et puis il y a eu la scène post-rock qui a rallumé le flambeau. Moi, je veux encore croire en l’approche du son pur du minimalisme ».


C’est que Charlemagne est au fond un compositeur de musique sacrée, qui sculpte dans le chatoiement statique de son « golden sound » la possibilité d’une extase à même la matière sonore. Cet idéal d’alchimiste apparaît dès l’enfance, dans la pratique du chant synagogal, et Charlemagne le poursuivra partout ensuite : sur les bancs du California Institute for Arts avec Morton Subotnick et Don Buchla, en Indonésie avec Ingram Marshall, dans les lofts new-yorkais avec La Monte Young, devant un carillon, un Bösenforfer Impérial ou un orgue à tuyaux.
Instrument drone et sacré par excellence, l’orgue sert parfaitement la musique de Charlemagne Palestine. Avec ses longues notes tenues indéfiniment, au besoin avec l’aide de petits inserts de cartons glissés entre les touches, le « monstre qui ne respire jamais » dont se plaignait Stravinski devient pour Charlemagne l’instrument idéal : celui qui peut suspendre le temps dans un objet de contemplation statique, quasi immobile, où s’enclenche le mouvement spirituel de l’extase.
Dans les années 1990, Charlemagne Palestine s’est retiré momentanément de la vie musicale à Lyon, où il vécut deux ans en compagnie de peintres. De temps à autres, apercevant la basilique de Fourvière en surplomb de toute la ville, il rêvait d’en faire sonner le grand orgue. Après la performance inoubliable de l’année dernière sur le Bösendorfer Imperial du festival, on ne pouvait rêver mieux que de réinviter Charlemagne à Lyon pour ce Schlingen-Blängen historique à Fourvière !
Et quoi de mieux que du chant grégorien pour introduire cette performance ?
Un chant sans cesse renouvelé, revitalisé, réinterprété à l'aune de manuscrits millénaires — inscrit dans des pratiques vocales et liturgiques aussi traditionnelles que nouvelles, dépendantes de l'espace, de l'acoustique, de l'architecture, de l'accentuation. Le souffle de l'orgue répondra au souffle de la voix, l'instrument sacré par excellence, insufflé dans les narines de l'Adam à l'aube de l'humanité.
Topaze, la pierre lumineuse, est formé de deux chanteurs qui ont baigné dans le chant grégorien depuis leur plus tendre enfance. Au programme : psalmodie des psaumes 109 et 113, procession du Kyrie du jour de Noël du répertoire vieux-romain (VIIe s.), et antienne du Salve Regina d'après le manuscrit du Saint-Sépulcre (XIIe s.).